La santé mondiale ou
santé globale (global health), sujet relativement récent, nous renvoie forcément à la notion de mondialisation ou globalisation. Dans un
pays, la santé publique doit être un sujet crucial mais les humains voyagent et
ne transportent pas que leurs bagages avec eux, ils traversent les frontières
et déposent aussi des maladies dans les pays d’escale et de destination. D’épidémie,
on passe à la pandémie.
Le panorama qui s’offre à nos
yeux ne saurait être mieux appréhendé sans une approche multilatérale et
multisectorielle et sans un clin d’œil à la diplomatie (Diplomatie et Santé), à
la politique étrangère et à la géopolitique. Un seul pays n’est pas concerné,
ni un seul secteur (la santé) non plus. La politique, l’économie, la
diplomatie, la géographie, les acteurs publics et privés sont à prendre en
considération. L’industrie du médicament est certes concernée par la santé mais
aussi l’agroalimentaire, l’industrie du tabac, de l’alcool qui ont une
incidence directe sur celle-ci. Avec sa nouvelle place, la santé est inscrite
dans beaucoup d’agendas : économique, sécuritaire (femmes violées,
enfants-soldats drogués dans les zones en conflit). La diplomatie de la santé
après Ebola, Zika appelle à une gouvernance universelle en matière de santé. La
santé n’est plus considérée comme un domaine technique réservé au seul médecin.
Il existe un grand marché des services et biens liés à la santé. Les enjeux ne
sont plus seulement locaux, nationaux, régionaux. Ils se recoupent au plan
mondial. Le
multilatéralisme a gagné du terrain. L’idéologie dominante a poussé vers une
démocratie libérale allant avec une économie de marché sous la tutelle des
américains. De l’autre côté, russes, chinois, voire japonais se renforcent.
Auparavant, les
épidémies (peste, choléra) étaient amenées par le bateau et on faisait face par
une quarantaine. A la fin des années 1990 et au début des années 2000, c’était
l’épidémie du sida. Un Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le
paludisme est créé et l’on plaide pour l’accès aux médicaments, pensant que la
mondialisation gagnerait à être complétée par la solidarité, sinon rien ne
pourrait empêcher la pauvreté d’être un terreau fertile pour l’extrémisme. La
santé est, dès lors, un bien public mondial.
C’est le couple
Chine-Usa qui s’affiche après les événements du 11 septembre. C’est le crédit à
outrance aux Etats-Unis, l’ouverture vers la Chine qui devient un atelier et
les américains, par le biais de la propriété intellectuelle ont bénéficié de
retombées par la valeur ajoutée, nous apprend-on. Les grands acteurs de la
scène mondiale sont les Usa, la Chine, la Russie, l’Union Européenne, viennent
ensuite le Brésil et l’Inde, nos pays africains dans une moindre mesure avec
des pays d’Asie et d’Amérique latine. La politique américaine et occidentale
s’est heurtée au printemps arabe et quelques révoltes dans les pays arabes.
Le but inavoué étant la
suprématie, les Usa, la Chine et la Russie qui doit éviter la désagrégation
après l’éclatement de l’URSS, ont une politique faite tantôt de raidissement,
tantôt d’assouplissement. Face au schéma d’un ordre multilatéral qui s’est
dessiné transatlantique, la Russie est tentée par un rapprochement avec la
Chine pour reconfigurer l’ordre mondial tel que vu par les occidentaux à
travers les instruments que sont l’Union Européenne et l’Otan, notamment. Les
trois Etats baltes demeurent à ce jour les seules anciennes républiques
soviétiques à faire partie de l’Union européenne face à la Russie.
De la rivalité
politique, le monde est ainsi passé à la rivalité militaire et, enfin
économique. Dans cette atmosphère, les africains doivent revisiter la
géopolitique et en tirer les conséquences utiles. Sa lecture et sa
compréhension sont capitales à notre survie. Il est déjà admis qu’ils savent
mal négocier et s’il s’avère qu’ils ne savent pas apprécier l’environnement
mondial et ses enjeux, bonjour les dégâts. L’Afrique se doit de définir, pour
elle même, une vision géostratégique en
repensant ses relations avec le monde extérieur, en protégeant ses ressources,
ses voies d’accès, les corridors maritimes et terrestres, en relançant le
commerce intra africain, en prévoyant des cas de blocus, en faisant de
l’ingénierie politique.
Actualité oblige,
l’autre question qui s’impose est comment prendre en charge la santé mondiale dans
l’évolution du monde car voilà qu’une maladie dont l’épicentre se trouve en
Chine, a vite fini de faire le tour du monde en s’étendant à l’Asie, l’Europe,
l’Amérique et l’Afrique. Voilà que contrairement aux idées reçues, l’Europe et
l’Amérique (l’occident) contaminent
l’Afrique après y avoir ouvert la voie du terrorisme. Quelle position doit
adopter l’Afrique face à ces géants qui, de « puissance d’équilibre»
pourraient muter en « puissance de nuisance » car il arrive que l’on
joue trop à se faire peur (exemple de la crise en Syrie, en Ukraine). De nos
jours la diplomatie de confrontation (hard power) a évolué vers du soft power.
La vie en autarcie ou le
repli sur soi n’est plus possible, même les Etats-Unis achètent à la Chine et
inversement. Les classes moyennes américaines se sont endettées pour acheter
chinois, suprême paradoxe. La Chine a alors amorcé une ouverture sur
l’initiative privée, instaurant un Fonds souverain chinois avec acquisition
d’actifs dans des pays africains et arabes. Le volume des transactions
mondiales est devenu phénoménal. Il ne reste donc plus qu’à affronter le mal,
tous unis sans distinction de pays, de races de religion. C’est ce qui ressort
d’une formation de haut niveau en Diplomatie et Santé au Global Health Centre
de l’Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement de Genève en
Suisse.
Le monde se redessine
avec la fin d’une domination sans partage de l’occident qui n’arrive pas à
redémarrer. Les Nations unies, par qui les crises se réglaient, connaissent une
certaine paralysie avec le droit de véto de certains de ses membres (Usa/Russie).
Après la menace des Etats-Unis sur l’Organisation mondiale du commerce (OMC),
le multilatéralisme vit sa crise avec le retrait de certains pays
d’institutions comme le Conseil des droits de l’Homme et la Cour internationale
de Justice. Les Usa sont récalcitrants à l’accord de Paris sur le climat et
l’on peut penser qu’ils ne seront pas les défenseurs du concept « Santé et
climat ». Ceux qui sont censés être des acteurs actifs cherchent à
redéfinir les termes du pacte à leur
avantage.
Pour ce qui concerne la
santé mondiale, la coopération multilatérale enregistré des résultants
probants, avec un élan solidaire international. Le monde a fait face avec
succès aux crisses relatives au Sida, à la tuberculose et au paludisme. Sont
intervenus des acteurs non-gouvernementaux de la santé avec une gouvernance
multisectorielle et multi acteurs impliquant gouvernement et acteurs
non-étatiques (ANE) : privé et société civile dont le rôle a été
déterminant dans l’accès aux médicaments. Les prix des médicaments ont baissé
et des actions philanthropiques se sont signalées avec la Fondation Bill and
Melinda GATES notamment. Bien avant, on a remarqué la fondation Rockefeller
avec 50¨% du budget de l’OMS dans la lutte contre le paludisme. Le secteur
public a fait bloc avec le secteur privé et le montant de 13 milliards de
dollars a été atteint. Des partenaires sont devenus des acteurs de la santé
globale. La communauté internationale a défini un minimum d’objectifs à
atteindre : OMD puis ODD dont la
santé. Quid du corona virus ? Cet ennemi public numéro 1, invisible mais
apeurant, minuscule mais monstrueux, silencieux mais sournois et attaquant par
traitrise (à l’improviste) apparaît en pleine phase de refondation du système
multilatéral.
Les motivations
altruistes naguère notées marquent le pas alors que personne n’est à l’abri
d’une attaque, de quelque pays, race, religion ou idéologie. que l’on soit.
L’inquiétude a gagné du terrain, rendant l’être dit humain beaucoup plus
sensible à ce qui l’entoure. Il ne voit plus de la même façon, n’entend plus
comme jadis (dafay jēli lees waxul). Si la peur sert à déclencher une bonne prise
de conscience, elle n’aura pas été vaine. Il faudra savoir tirer profit de ce
mal. Même quand tu perds, gagne la leçon, dit le proverbe…chinois (jàng ci
njumte).
Les pays sont
interdépendants, ce qui appelle une réponse structurée. La santé, comme l’environnement,
sont classés biens publics mondiaux Elle fait partie des droits de l’homme. La
santé se définit par rapport à d’autres intérêts : politiques et sociaux.
Des choix prix dans d’autres domaines ont des répercussions sur la santé. Les
nouveaux défis de la santé tels les inégalités, la protection sociale, les
déterminants sociaux de la santé, la couverture sanitaire universelle et la
protection sociale ne dépendent pas du Ministère de la Santé. Le Ministère de
la Santé n’a pas pour vocation de lutter contre la pauvreté alors que certaines
maladies sont dues à la pauvreté. La protection sociale en générale,
insuffisante et très disparate, doit être repensée, l’assurance santé en
particulier. Une obligation d’assurance maladie minimale doit avoir cours au
Sénégal à côté de l’assistance fournie par l’Etat et les collectivités
territoriales. Cependant, l’assurance qui fait appel à un mécanisme complexe
allant de la prospection aux prestations en passant les adhésions par les
souscriptions et le recouvrement, est une technique, une science différente de
la médecine, de la sociologie et d’autres disciples auxquelles on a tendance à
l’assimiler. Sa maîtrise exige un diplôme supérieur, niveau 3ème
cycle, et/ou une pratique ce qui implique un encadrement des mutuelles de santé
et des IPM par des professionnels de l’assurance reconnus si possible, voire
agréés.
La santé devient une
question politique. C’est un bien public et chaque citoyen du monde devrait y
avoir accès. C’est ainsi qu’un ministre de la Santé, qui a un rôle de
diplomate, a pour mission non seulement de promouvoir la santé dans son propre
pays c’est-à-dire défendre les intérêts de son pays, mais aussi de faire
progresser celle de la communauté mondiale, contribuant ainsi à défendre les
intérêts de ladite communauté. C’est l’interface entre santé et politique
étrangère. La santé mondiale fait appel au multilatéralisme et à la solidarité sans
lesquels il serait quasi impossible de venir à bout de certaines pandémies.
Dans cette lutte, les contributeurs sont divers: Etats, multinationales,
fondations privées et autres donateurs. La réponse à la pandémie qui affecte le
monde passera inéluctablement par les canaux de la santé mondiale à travers le
concept santé et diplomatie. Une nouvelle forme de gouvernance en santé verra
le jour avec certainement une plus grande démocratie au sein de l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS, créée en 1948), un organe dont le but est d’amener
les peuples au niveau de santé le plus élevé possible avec un outil, le
Règlement Sanitaire International (RSI, 2005). Le RSI constitue « le cadre
international du renforcement de la sécurité sanitaire mondiale et tous les
Etats Membres sont tenus de le respecter. Il vise à prévenir la propagation
internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtrise et à y réagir tout
en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce
internationaux. Il incarne un engagement en faveur des principes de santé publique » Le
RSI est mis en œuvre « en respectant pleinement la dignité des personnes,
les droits de l’homme et les libertés fondamentales ». L’OMS, quant à
elle, se doit d’être la tête de pont pour organiser la riposte face aux
urgences sanitaires même si la santé est une question de souveraineté, les
moyens pour éradiquer certaines épidémies exigent une mutualisation des
ressources humaines et financières considérables et une lutte acharnée contre la désinformation. Nos compatriotes l’Ambassadeur
Fodé SECK, El Hadji As SY Secrétaire général de la Croix Rouge et Croissant
Rouge et l’ancienne Ministre Safiétou THIAM font partie des personnes
ressources, intervenant au Global Health Centre dans leurs domaines respectifs
aux côtés d’autres sommités mondiales.
Un plan de santé, des stratégies
sont à définir. En Afrique, les Ministères des Affaires Etrangères et de la
Santé devront s’entourer d’experts très au fait de la gouvernance mondiale en
matière de santé, des négociateurs avertis tant pour ce qui concerne le
bilatéral, le multilatéral que les programmes globaux, à l’image du
« Groupe Diplomatie et Santé » du Ministère français des Affaires
Etrangères.
Toutefois, malgré la
panique, il convient de rassurer en rendant hommage au Chef de l’Etat pour ses
décisions qui ont fait l’unanimité, au personnel de santé, à Moustapha GUIRASSY
pour son courage et son altruisme car ce n’est pas une maladie honteuse, à nos vaillantes forces de
l’ordre invitées à ne pas laisser une infime minorité parmi elles créer du
désordre dans des mosquées car ce ne sont pas des ordres reçus. Même un ordre
pris sur la base de la légalité, il faut savoir l’exécuter avec intelligence et
ne point obéir à un ordre s’il s’avère illégal, ce qui n’est pas le cas visé. Il
n’est pas nécessaire de « frapper vite et fort ». Ne tuons pas plus
que ne le ferait le coronavirus (Covid 19). En effet, il ne s’agit pas de
lever la main sur des croyants venus prier à la mosquée un vendredi saint avec
à leur tête un imam si, à côté, on n’a jamais vu un criminel traité de la sorte,
si on laisse libres ou on traite avec égards des fonctionnaires subitement multi
millionnaires, voire milliardaires, un paradoxe à bannir dans un pays pauvre.
Un Etat a les moyens de disperser une
petite foule inoffensive. Il faut éviter, autant qu’il est possible, de
ridiculiser une autorité, qu’elle soit politique ou religieuse, gare à l’effet
boomerang, le retour de bâton n’étant pas exclu. Nous sommes nombreux à préférer
recevoir un châtiment corporel à la place d’un imam ou d’un prêtre. Il faut plutôt
rassurer, même en pleine psychose et aider l’Etat à nous aider. Que Dieu
protège le monde, le Sénégal avec !
Par Biram Ndeck NDIAYE,
auteur, diplômé en Relations internationales, assureur lauréat édition 2019 du
Prix Codjovi des Assureurs africains, doctorant en droit.
Sources :
Formation de haut niveau, Diplomatie et Santé, lectures, IHEID, Genève décembre
2016.
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