Le 26 décembre 2014, 37 députés sur les 150 que compte l’Assemblée Nationale votaient
en catimini la loi 31-2014, dénommée « loi cadre sur l'enseignement supérieur », à laquelle
s'opposent le SAES et les défenseurs de l’Université publique autonome et apolitique. Cette
loi controversée et scélérate est présentée par le Ministre de l'enseignement supérieur et de
la recherche (MESR) comme une innovation majeure dans la gouvernance universitaire,
parce que permettant une ouverture de l’université sur le monde socio-économique et une
gouvernance universitaire plus démocratique et transparente.
En quoi consiste le désaccord avec le SAES ?
Les points de désaccord portent sur :
• le processus d'élaboration de la loi,
• l'absence de concertations sincères,
• le contenu de la loi, et principalement la composition, les missions et les modalités de
désignation des membres des conseils d’administration des universités.
Avec cette nouvelle loi, toute université publique disposera d’un conseil d’administration
qui, outre son rôle dans la gestion administrative et financière, est « l'instance de validation
des orientations stratégiques, pédagogiques et scientifiques ». Ce conseil d'administration
est composé de 20 membres dont 10, issus du monde socio-économique, nommés par la
seule volonté du ministre (contrairement à ses allégations dans sa conférence de presse du
mardi 02 mars 2015). De plus, le Président, le vice-Président du conseil d'administration, le
Recteur, membre du conseil d'administration sont nommés par décret sur proposition du
même ministre. Ainsi, de fait sur les 20 membres que compte le CA, 11 (soit 55 % des
membres) sont nommés par le ministre, dont 10 extérieurs à l'université. Ceci constitue un
des points de désaccord entre les universitaires et le ministre par ailleurs ancien défenseur
de l’autonomie des universités. Rappelons que dans toutes les universités du monde
(puisque le ministre dit « viser le rang mondial ») disposant de conseil d'administration,
cette ouverture est limitée à 25-30% des membres. Rappelons aussi que dans le conseil
d'administration de l'Université de Thiès, qui est souvent cité en exemple par les affidés du
ministre il n'y a que 33 % de personnalités issues du monde socio-économique, et non 55 %
comme le propose la nouvelle loi.
En somme la démarche du ministre se résume en trois points :
• exclure les assemblées d’universités dans la validation de la loi,
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Section de Saint-Louis
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• convaincre 37 députés sur 150 de voter en catimini une loi scélérate et subversive,
• faire promulguer cette loi au Président de la République,
• occuper de façon intempestive l’espace médiatique pour maquiller les incohérences
de la loi et manipuler l’opinion publique au lieu d’engager un dialogue sincère avec le
SAES qu’il ne cesse par ailleurs de dénigrer.
Que veut le SAES ?
D'abord faire comprendre aux sénégalais qu'en dépit de l' « unanimité » qu'à fait cette loi à
l'Assemblée Nationale, cette unanimité reste toute relative, puisque sur les 150 députés
que compte l'hémicycle, seuls 37 étaient présents au moment du vote. Ainsi, plus de 75 %
des députés n'ont pas voté la loi.
De plus, la date du vote (vacances de Noël et Gamou)
corrélée avec le nombre de députés présents suggère que le vote a été sciemment
programmé pendant une période « favorable ». En effet, suite aux éclairages du SAES sur
cette démarche insidieuse du ministre et sur les implications de la loi, les députés s'étaient
engagés à ne pas voter une telle loi. Malgré l'acharnement médiatique du ministre et de ses
équipes de communication, le moins que l’on puisse dire c'est qu'une loi aussi mal votée,
pose à tout point de vue un réel problème de légitimité. De plus cette loi n’a pas été
examinée par les assemblées d’université comme le veut la loi 94-79 sur les libertés et
franchises universitaires, contrairement aux allégations du ministre devant les 37 députés.
Le SAES a donc légitimement et naturellement demandé au Président de la République de ne
pas promulguer la loi.
Ensuite, rappeler les pratiques antérieures de l'actuel ministre qui, en tant que Recteur de
l'Université Gaston Berger, avait crée 27 directions qui n'obéissaient à aucune logique
d'efficacité, comme l'a d'ailleurs montré le rapport d'audit sur sa gestion de l'UGB. Le SAES
attend toujours que le gouvernement donne une suite à ce rapport qui a révélé une
gestion teintée de népotisme, d’octrois d’avantages et d’indemnités indues en violation
des textes de lois en vigueur. Il ne serait pas superflu de rappeler que le MESR a déjà utilisé
un rapport d’audit pour bâillonner le doyen de faculté qui a osé s’opposer à lui en
revendiquant l’autonomie scientifique et pédagogique de sa faculté dans l’orientation des
bacheliers.
Le SAES est convaincu qu’en permettant au ministre de nommer 11 membres du CA sur 20
l’université deviendra, tout comme les multiples nouvelles directions créées au ministère de
l'enseignement supérieur, un espace de plus où ce dernier aura tout loisir de « caser des
amis en mal de postes ».
Permettre que l’Université soit dirigée par un conseil d'administration constitué en majorité
de politiciens en mal de postes, délibérant sur des questions scientifiques et pédagogiques
et même recrutant des enseignants, est contraire aux libertés et franchises universitaires
Contrairement à ce qui est véhiculé dans les médias, par le ministre et ses équipes de
communicants, le SAES n’est ni contre une réforme des textes, ni contre un « Conseil
d'Administration ». Bien au contraire ceci est une demande forte du SAES depuis 2010 et
consignée dans les accords de mars 2011 avec le Gouvernement. De plus le SAES s’est
fortement investi pour que ceci figure les recommandations de la CNAES.
Ce que demande le SAES c'est que, conformément aux textes, aux bonnes traditions et
pratiques universitaires en matière de réforme, un projet aussi important fasse l'objet d'une
discussion consensuelle et inclusive, entre toutes les composantes de l'université.
Le SAES demande que la proportion de membres non universitaires des CA soit ramenée à
30%, que leur modalité de désignation ne soit pas laissée entre les mains des hommes
politiques et que les missions dévolues au CA soient en accord avec les respect de
l’autonomie scientifique et pédagogique des universités. Tous ces amendements ont été
transmis par le SAES au gouvernement le lundi 10 février 2015.
Par conséquent, la nouvelle loi est en contradiction avec :
• la loi sur les franchises et libertés universitaires,
• les conclusions de la CNAES sur plusieurs points, notamment l'élection du Recteur, la
transparence dans les recrutements,
• ses objectifs, car comment comprendre qu’une loi dont l’un des principaux motifs est
la démocratie et la transparence de la gouvernance universitaire propose un conseil
d’administration qui comporte plus de membres nommés que de membres élus.
Comment les propositions du SAES sont-elles accueillies par le ministre ?
Les propositions du SAES, ne trouvent pas une oreille favorable auprès du ministre qui use
du dilatoire même après l’expiration du préavis de grève du SAES déposé le 15 janvier 2015.
Pour rappel, suite au vote de la loi et vu la gravité de la situation, le SAES a observé un
débrayage en guise d’avertissement et d’alerte. Au lieu de l’invitation au dialogue attendue,
ce débrayage a été accueilli par des menaces de la part du ministre.
Ces menaces ont continué avec la tentative avortée de suspension du salaire du mois de
février 2015 des enseignants, même si le SAES n’est pas encore allé totalement en grève
après l’expiration du préavis de grève le 16 février.
Par ailleurs, cette attitude va-t-en-guerre du ministre nous a valu la longue grève des
étudiants pour les bourses qui s’est finalement soldée par la mort tragique de l’étudiant
Bassirou FAYE. La communauté attend toujours que le(s) responsable(s) et coupable(s)
soient identifiés et sanctionnés. De plus, les effets de cette crise de 2014 sont encore réels
dans les universités.
Sur le plan médiatique, le ministre tente avec force de discréditer les propositions et la
démarche du SAES en estimant que « demander au chef de l’Etat de ne pas promulguer
cette loi qui, encore une fois, a été votée à l’unanimité par les élus du peuple, c’est tout
simplement demander au président de la République de désavouer à la fois son
gouvernement et la représentation nationale » (Sud Quotidien du 14 janvier 2015).
Curieusement, le ministre oublie sciemment de préciser que c’est son entêtement et ses
différentes manipulations de toutes les personnes impliquées qui nous mettent dans cette
impasse.
Que retenir ?
L'université sénégalaise a besoin de réformes en profondeur. Ce constat fait unanimité. Ce
qui pose problème, ce sont les méthodes cavalières de l'actuel ministre, qui pense que la
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réforme doit se faire sans les acteurs de l’Université et au détriment de l’autonomie des
universités. Pour preuve sa position sur l’orientation des bacheliers, les missions du conseil
d'administration et modalités de désignation de ses membres est plus qu’inquiétante et on
ne saurait mieux les illustrer qu'avec sa réponse aux députés sur l'élection du Recteur.
En effet, les députés ont proposé au ministre, dans un souci de « pacification et de
stabilité dans l'espace universitaire, il serait préférable que le Conseil académique propose
parmi les professeurs des profils au poste de Recteur, que le Président de la République
entérinera, par la suite, par décret ». Sa réponse a été : « il est prudent de ne pas trop s'y
avancer, pour l'instant, au regard des expériences africaines en la matière qui n'ont pas
semblé être concluantes».
En somme, le ministre dit à nos honorables Députés qu'un Recteur élu par un ensemble
d'enseignants-chercheurs africains, ne saurait être efficace.
Par contre, si on lui laisse la
latitude de nommer de fait les recteurs, ceux-ci seront parfaitement adaptés à leurs
missions. Il eut été intéressant que nos députés lui demandent :
• si en dehors de sa fonction de ministre, soumise aux contingences politiciennes, il est
autre chose qu'un enseignant-chercheur africain formé par des enseignantschercheurs
africains ; et comme tel, comment pense-t-il pouvoir faire mieux qu'un
ensemble d'enseignants-chercheurs africains ?
• comment peut-il être aussi en désaccord avec tout ce qu’il a eu à rejeter par le
passé : nomination des recteurs, immixtion de l’état dans la sélection des bacheliers,
violation des franchises et libertés universitaires ?
• pourquoi tient-il autant à avoir une majorité de membres du CA nommés plutôt
qu’élus.
Par ailleurs, si le ministre estime, à juste titre, que l'université a besoin de plus d'ouverture,
de transparence et de démocratie, alors le minimum n'est-t-il pas que ceux qui sont
justement chargés d'incarner cette ouverture et cette transparence soient choisis de façon
transparente et démocratique ?
En définitive, reprenant les termes du ministre, ce qui risque d'être définitivement peu
concluant, au regard des expériences africaines, c'est d'assujettir l'université publique à la
volonté d'une seule personne, qui pense pouvoir faire mieux que quiconque et tout
conditionner à des ambitions politiciennes ponctuelles et personnelles.
Vive l’Université sénégalaise, vive le SAES !
Syndicat Autonome de l’Enseignement Supérieur
Section de Saint-Louis
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