Le présent
rapport annuel rend compte de la situation des droits humains dans le
monde au cours des années 2013 et 2014. Il couvre 160 pays sur les 193
que compte l’Organisation des Nations Unies. Nous allons dans cette
note de synthèse passer en revue la situation du Sénégal et des
différentes régions du monde, à l’exception de celle de l’Afrique de
l’ouest et du centre qui sera présentée par MM. Alioune Tine et Steven
Cockburn du Bureau régional pour l’Afrique de l’ouest et du centre basé à
Dakar. I/ Les droits humains au Sénégal
La situation des droits humains au Sénégal a connu peu d’avancées par
rapport à celle que nous avions présentée devant la presse le 28 mai
2013. Les mêmes types de violations des droits humains persistent malgré
les actions de sensibilisation entreprises par Amnesty International et
l’Observateur National des Lieux de Privation de Liberté en direction
des forces de sécurité au cours des deux dernières années.
Ce
rapport se focalise uniquement sur les atteintes aux droits humains et
ne comprend pas les actions de campagne, de plaidoyer, d’éducation et de
sensibilisation aux droits humains menées par Amnesty International
Sénégal au cours des deux dernières années. I.1 Recours excessif à la force par les membres des forces de défense et de sécurité
En décembre 2013, la police a fait usage de balles réelles contre des
élèves qui manifestaient pour réclamer des professeurs à Djirédji en
Casamance. Un mois plus tard en janvier 2014 des militaires basés à
Oulampane, près de Bignona ont fait usage de balles réelles pour
disperser des élèves qui occupaient la route nationale pour réclamer des
professeurs blessant quatre élèves. Les résultats des enquêtes promises
par l’armée et la police ainsi que le ministre de la justice sur ces
deux incidents ne sont pas connus.
L’étudiant Bassirou Faye a été
tué par un tir de la police lors d’une manifestation d’étudiants à
l’université Cheikh Anta Diop de Dakar en août 2014. Plusieurs autres
étudiants ont été grièvement blessés et ont passé des semaines dans les
hôpitaux de Dakar. L’enquête sur la mort de Bassirou Faye progresse et
un policer au moins est en détention.
En septembre 2014 un détenu a
été tué par un garde pénitentiaire à Sinthiou Roudji dans la région de
Kédougou. Une enquête a été ouverte et l’agent pénitentiaire est placé
en détention provisoire. En octobre de la même année, un autre détenu,
Bangali Kanté, a été abattu par un garde pénitentiaire à Tambacounda
alors qu’il tentait apparemment de s’évader. Le garde pénitentiaire a
été inculpé mais il a bénéficié d’une liberté provisoire. I.2 La torture et les mauvais traitements
En 2013, des membres des forces de défense et de sécurité ont été mis
en cause dans la mort de Ibrahima Samb à Mbacké, Bambo Danfakha à
Dyabougou dans le département de Bakel, Antoine Robert Sambou à Pointe
Saint Georges en Casamance et Cheikh Maleyni Sané à la prison de
Reubeuss à Dakar. Des enquêtes ont été diligentées qui ont abouti à
l’arrestation des agents mis en cause dans les décès de Ibrahima Samb et
Antoine Robert Sambou. Des agents de l’administration pénitentiaire
ont été arrêtés et remis en liberté dans le cadre de l’enquête sur la
mort de Cheikh Maleyni Sané. Les résultats de l’enquête sur la mort de
Bambo Danfakha ne sont pas connus.
Amnesty International est
également préoccupée par les décès de militaires et de sapeurs pompiers
survenus pendant les exercices de formation, apparemment à la suite de
sévices infligés. Une enquête a été ouverte et des agents arrêtés suite à
la mort du sapeur pompier Chérif Adjouma Ndao lors d’une formation à
Thiès en 2014. Les résultats où l’état d’avancement des enquêtes sur la
mort du soldat Oumar Ndiaye à Dakar Bango en 2014 et du policier Mamadou
Ndiaye à Thiès en 2013 ne sont pas connus. I.3 Impunité des membres des forces de défense et de sécurité
Au cours des deux dernières années, des procès sur la mort de
Ousseynou Seck, mort dans les locaux de la police en 2012, celle de
Kécouta Sidibé mort lors d’une arrestation par des gendarmes à Kédougou
en 2012 et sur celle de Dominique Loppy mort dans les locaux du
commissariat de police de Kolda en 2007 ont eu lieu. Dans les trois cas,
des agents ont été condamnés à des peines de prison. Une indemnité a
été versée aux familles de Ousseynou Seck et Kécouta Sidibé. Ces procès
traduisent une volonté des autorités judiciaires de lutter contre
l’impunité des membres des forces de sécurité.
Les résultats ou
l’état d’avancement des enquêtes ouvertes sur de nombreux autres cas,
notamment sur les décès et actes de torture commis par des membres des
forces de sécurité pendant la période précédent l’élection
présidentielle de 2012 ne sont pas encore connues.
En mars 2014,
l’Etat du Sénégal a rejeté la recommandation de l’Examen Périodique
Universel lui demandant d’enquêter sur les cas de disparitions forcées
de civils casamançais arrêtés par les membres des forces de sécurité
dans les années 80 et 90, persistant à nier ces cas bien documentés par
Amnesty International et d’autres organisations de droits humains. I.4 Atteintes à la liberté de réunion et de manifestation
Malgré les engagements pris devant le Conseil des droits de l’homme
des Nations Unies lors de l’Examen Périodique Universel en mars 2014,
l’Etat du Sénégal continue de violer la liberté d’expression, notamment
la liberté de rassemblement et de manifestation pacifique proclamé par
la constitution du pays et plusieurs traités régionaux et internationaux
de droits humains dont il est partie. Le gouvernement à interdit en
2013 et 2014 plusieurs manifestations initiées par des partis
politiques, des syndicats et des groupes de la société civile à Dakar et
dans les régions. Certaines manifestations ont été violemment réprimées
par la police et des manifestants ont été arrêtés et traduits en
justice. Les interdictions non fondées de manifestations constituent la
principale cause de troubles à l’ordre public au Sénégal ; les
manifestations autorisées se déroulent en général de façon pacifique.
I.5 La cour de répression de l’enrichissement illicite et le droit à un procès équitable
Avec l’arrivée du Président Macky Sall au pouvoir, la Cour de
Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI) a été activée pour
poursuivre les personnes présumées coupables du délit d’enrichissement
illicite. Il s’agit d’une juridiction d’exception qui ne respecte pas
les normes d’un procès équitable, en l’occurrence les droits de la
défense et le double degré de juridiction consacrés par le Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques (article 2 et
article 14.5) et d’autres traités régionaux et internationaux de droits
humains dont l’Etat du Sénégal est partie. Le droit à un procès
équitable est un droit fondamental auquel ne peut déroger aucun Etat,
quels que soient la nature et la gravité des charges retenues contre une
personne. Les tribunaux pénaux internationaux : la Cour pénale
internationale, les tribunaux ad hoc et les juridictions hybrides comme
les Chambres Africaines Extraordinaires mises en place par l’Etat du
Sénégal et l’Union Africaine pour juger l’ancien président tchadien
Hissène Habré qui poursuivent les crimes les plus graves qu’un individu
puisse commettre, le crime de génocide, les crimes de guerre et les
crimes contre l’humanité accordent toutes les garanties en matière de
défense et le double degré de juridiction. La CREI doit être supprimée
ou être profondément réformée pour la conformer aux normes
internationales de procès équitables. I.6 Le conflit armé interne en Casamance
Le conflit armé opposant les combattants du Mouvement des Forces
Démocratiques de la Casamance (MFDC) à l’armée sénégalaise a perdu en
intensité et le Chef d’une des branches combattantes du mouvement a
proclamé un cessez-le-feu unilatéral en avril 2014. Toutefois le conflit
continue de faire des victimes civiles du fait des mines terrestres
dans la zone de Sindian notamment. Sept hommes au moins ont été tués par
une mine terrestre en août 2014. I.7 Des points positifs au crédit de l’Etat du Sénégal.
Amnesty International salue les efforts consentis en vue d’améliorer
les conditions des détenus avec la construction prochaine d’une prison
de 1500 places et d’une Ecole Nationale de l’Administration
Pénitentiaire à Sébikhotane près de Dakar. La réforme judiciaire créant
des chambres criminelles permanentes auprès des Cours d’appel pour
remplacer les cours d’assises permettra de réduire les cas de longues
détentions préventives.
Nous saluons également la volonté de
trouver une solution à la mendicité des enfants talibé marquée par le
projet de loi portant statut des daaras et appelons tous les acteurs à
mettre les droits de l’enfant au centre des discussions.
Il en est
de même du projet de code minier qui constitue une avancée dans la
protection des droits humains des communautés affectées par
l’exploitation minière même si le texte doit encore être amélioré avant
d’être soumis à l’Assemblée nationale.
L’Etat du Sénégal est l’un
des tout premiers à ratifier le Traité sur le Commerce des Armes dont la
mise en œuvre par l’ensemble des Etats du monde permettra de mettre fin
à la souffrance humaine causée par les conflits armés.
En matière
de santé, la couverture maladie universelle permettra à terme l’accès
aux soins de santé des populations les plus démunies. II/ La situation en Afrique : Afrique de l’est, Afrique australe
En Somalie, plus de 100 000 civils ont été tués, blessés ou déplacés
dans le contexte du conflit armé qui oppose les forces
progouvernementales, la Mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM)
et le groupe armé islamiste Al Shabab au cours de l’année 2014. Le viol
et la violence sexuelle sont des pratiques généralisées dans le pays.
Au moins un journaliste a été tué au cours de la dernière année.
Au Soudan du sud, le conflit armé interne qui a éclaté en décembre 2013 a
entrainé la mort de dizaines de milliers de personnes et la destruction
de villes entières. Le pays compte 1.4 million de personnes déplacées à
l’intérieur du pays et 500 000 autres se sont réfugiés dans les Etats
voisins.
En Erythrée, les droits humains continuent d’être
bafoués par le régime d’Issaias Afeworki poussant des milliers
d’Erythréens à prendre le chemin périlleux de l’exil.
En Afrique australe, la situation des droits humains au Zimbabwé demeure une grande préoccupation pour Amnesty International. III/ La situation au Moyen Orient et en Afrique du Nord
En Afrique du nord, la chute de Mouammar Al Khadafi a transformé la
Libye en un immense champ de bataille où s’affrontent plusieurs groupes
armés qui commettent des violations graves des droits humains.
Une
partie de la Syrie et de l’Irak sont sous le contrôle du groupe qui se
proclame « Etat Islamique en Irak et en Syrie » et qui y commet de
graves violations des droits humains.
Les forces israéliennes se
sont rendues coupables de crimes de guerre et de violations graves des
droits humains durant une offensive militaire de 50 jours dans la bande
de Gaza, qui a fait plus de 1500 morts dont 539 enfants et des milliers
de blessés parmi les civils. Elle a également provoqué d’importants
déplacements de populations et des destructions de biens de caractère
civil et des services vitaux. Israël a maintenu un blocus maritime,
terrestre et aérien sur Gaza punissant de façon collective 1.8 million
d’habitants et accentuant la crise humanitaire. Des violations tout
aussi graves des droits humains sont commises quotidiennement en
Cisjordanie et à Jérusalem Est par les forces israéliennes et les colons
qui détruisent et occupent de façon illégale les maisons et les terres
des palestiniens. L’adhésion de la Palestine à la Cour pénale
internationale marquera le début de la fin de l’impunité pour les
dirigeants et militaires israéliens. IV/ La situation en Asie Pacifique
En Chine, la peine de mort continue d’être appliquée de façon massive
pour toutes sortes de crimes et délits y compris la corruption en
violation des traités internationaux qui n’admettent cette peine que
pour les crimes les plus graves dont les crimes de sang.
Au
Pakistan, les affrontements interconfessionnelles et ceux opposant
l’armée aux talibans ont causé des milliers de morts au cours des deux
dernières années.
V/ Les Amériques
Aux Etats Unis, le Président Barack Obama n’a toujours pas tenu sa
promesse de fermer le centre de détention de Guantanamo Bay à Cuba. A la
fin de l’année 2014, 127 hommes y étaient toujours détenus. La majorité
de ces détenus n’avaient été ni inculpés, ni jugés. Pour six d’entre
eux, des procédures de jugement étaient en cours devant des commissions
militaires, dans le cadre d’un dispositif non conforme aux normes
internationales d’équité des procès. Aucune poursuite n’ a été engagée
contre les auteurs des violations graves des droits humains, dont des
actes de torture et de disparitions forcées qui relèvent du droit
international, commises dans le cadre du programme de détention sécrète
et d’interrogatoire mis en place par la CIA au lendemain des attentats
du 11 septembre 2001. L’abolition et le moratoire sur la peine de mort
continuent de progresser dans le pays. Dix huit (18) Etats sur cinquante
ont maintenant aboli la peine de mort et les gouverneurs de deux Etats,
l’Etat de Washington et le Colorado ont annoncé qu’ils n’autoriseraient
plus des exécutions.
VI/ L’Europe
L’Europe continue de fermer ses portes aux réfugiés et migrants
obligeant des milliers de personnes qui fuient la guerre et les
violations des droits humains à emprunter le chemin périlleux de la
méditerranée. A la fin de l’année 2014, 3400 personnes, en majorité des
syriens et d’autres nationalités fuyant la guerre et la persécution sont
mortes en tentant d’atteindre les côtes italiennes.
La
discrimination contre les Roms, les migrants et les musulmans augmente
de même que l’antisémitisme. Ces fléaux indignes de sociétés
démocratiques prospèrent du fait de la surenchère politique dont ils
font l’objet et l’inaction des Etats.
Seydi Gassama Directeur Exécutif Amnesty International Sénégal
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FAMILLE SENEGALAISE – Saison 03 – Episode 34
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