La ville coloniale de Saint-Louis, classée au patrimoine
mondial de l’UNESCO, est construite sur une île de l’estuaire du fleuve
Sénégal. A cet endroit, le fleuve longe la côte vers le Sud et n’est
séparé de l’océan que par une mince flèche de sable de quelques
centaines de mètres de large, la Langue de Barbarie, qui protège la cité
de l’assaut des vagues. Jusqu’en 2003, elle empêchait une évacuation
rapide des eaux du fleuve lors des crues car elle s’allongeait sur
environ trente kilomètres au sud de la ville. De ce fait, la cité était
soumise à des inondations fluviales récurrentes en fin de saison des
pluies.
L’ouverture artificielle d’une brèche, 7 kilomètres au sud de la
ville, suite à la crue d’octobre 2003, a radicalement changé
l’inondabilité de la cité. En effet, depuis cette époque, la ville n’a
plus été inondée par le fleuve car l’élargissement spectaculaire de la
brèche, qui est devenue la nouvelle embouchure, permet aux eaux de
s’évacuer rapidement lors des crues. Cependant, en corollaire, les
courants marins ont fortement modifié le régime hydrologique. La ville
est désormais en tête d’estuaire : le marnage a fortement augmenté et
les niveaux d’eau du Sénégal sont de plus en plus calqués sur le rythme
des marées. Or, la cité émerge à peine au dessus du niveau des plus
hautes mers actuelles. Elle devient donc plus vulnérable à une
augmentation, même modérée, du niveau moyen de la mer. Dans ce contexte
de réchauffement climatique et de fonte des glaciers polaires, la
question est de savoir si la prédominance des influences marines dans le
régime du fleuve à Saint-Louis peut persister à moyen terme, compte
tenu de la tendance naturelle à la migration vers le sud de la langue de
Barbarie Ce point est discuté et les conséquences potentielles en sont
envisagées grâce à un certain nombre de simulations d’inondation,
réalisées à partir de prévisions de hausse du niveau marin d’ici la fin
du siècle selon les études en 2007 de Rahmstorf et Grinsted 2009. Une
modélisation de la propagation des inondations dans la cité en fonction
de ces divers scénarii est proposée. Elle montre que la ville coloniale
pourrait être inondée lors des plus hautes eaux annuelles au cours du 21ème siècle.
La mutation possible de l’aléa inondation amène à poser de nouvelles
questions, notamment dans le contexte d’une hausse probable du niveau
marin dans les décennies à venir. En voulant supprimer le risque
d’inondation fluviale à court terme, n’a-t-on a pas créé les conditions
du retour et de l’amplification du risque de submersion marine à moyen
et long terme, en permettant le passage d’un mécanisme d’inondation
d’origine continentale à un mécanisme d’inondation d’origine marine ?
Des recherches mériteraient d’être poursuivies dans ce sens car tout
porte à croire que la ville de Saint-Louis risque d’être englouti par la
mer dans quelques années. Ainsi, bien que la menace de submersion
marine ne soit pas immédiate, elle pourrait devenir préoccupante dans un
avenir relativement proche. On peut légitimement s’interroger sur la
probabilité d’occurrence des scénarii proposés. Dans quelle mesure les
deux conditions (hausse du niveau marin et persistance d’une
prédominance des influences marines sur le régime hydrologique du
fleuve) peuvent-elles être réunies ? La probabilité de la hausse du
niveau absolu de la mer fait aujourd’hui largement consensus. Son
ampleur est cependant sujette à caution et il semble délicat de trancher
sur cette question. En revanche, la deuxième condition peut être
discutée. En effet, en dépit des constatations faites précédemment, une
augmentation de la brèche par le sud actuellement contrariée par le
renforcement des courants marins, produit l’assèchement du fleuve et le
génocide d’espèces marines et fluviales. De ce fait, tout exercice de
prospective n’est-il pas une démarche vaine puisque le mal est déjà
fait? Nous espérons vivement que le colloque sur l’embouchure répondra à
ces questions sensibles.
Alors attention car Saint-Louis est doublement en danger !
Abdoulaye A. TRAORE
(maliweb.net)
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Saint-Louis en voie de disparition : Maliweb tire la sonnette d'alarme!
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