Après avoir réussi à faire publier à titre
posthume le livre de son fils en 2004, et à faire adapter son histoire
au cinéma en juin dernier, Mame Coura Diop, âgée de 93 ans, est décédée
hier à Ngallèle dans la région de Saint-Louis. Elle avait joué le rôle
principal dans le film Mon fils était écrivain de la réalisatrice Hadja
Maï Niang Ndiaye.
L’histoire de Mame Coura Diop avait été portée à l’écran par la
réalisatrice Hadja Maï Niang Ndiaye.
La vieille dame de 93 ans, qui a
ému tous les cinéphiles qui ont suivi cette production, est décédée hier
après-midi chez elle à Ngallèle dans la région de Saint-Louis. Selon
Hadja Maï Niang joint par téléphone, la défunte a été inhumée hier soir.
En réalité, le long métrage de Hadja Maï Niang intitulé Mon fils était
écrivain relate l’histoire de Mame Coura Diop qui a fait des pieds et
des mains avant de réussir à faire publier le manuscrit de son fils,
Lamine Coura Guèye, décédé en 1998 à la suite de l’effondrement d’un
bâtiment au quartier Médina à Dakar. Ce film, qui s’inspire du combat de
cette nonagénaire, met en scène l’actrice principale Mame Coura Diop
qui relate le lien qui l’unissait à son défunt fils, mort à l’âge de 45
ans. Elle entretenait en effet, une relation étroite avec cet enfant
brutalement arraché à son affection. «De toute la famille, Lamine Coura
était le plus proche de moi. Il aimait taquiner ses amis en me
présentant parfois comme sa femme parce qu’on était toujours ensemble»,
relate la vieille dame qui a tenu à la publication de l’ouvrage de son
fils (à titre posthume), en raison de l’attachement de l’auteur à ce
bouquin. C’était aussi, a-t-elle expliqué dans ce documentaire, une
façon de défier «les calomnies» que les populations de ce village
collent à son fils.
Il faut souligner qu’«une bonne partie des habitants du village de
Ngallèle soutient urbi et orbi que Lamine Coura était un fou, pour un
simple constat qu’il s’enfermait dans la forêt de Ngallèle des
journées». «Lorsqu’il écrivait, il élisait domicile dans la brousse
durant toute la journée jusqu’à la tombée de la nuit. Ce livre lui a
pris six mois et durant cette période, il avait déserté la maison, c’est
moi-même qui lui apportais à manger», a raconté dans le film la mère du
défunt. Cette folie de Lamine dont parlaient les gens l’a beaucoup
affectée. Et pour se faire justice, Mame Coura Diop a voulu, à travers
le livre et le film, crier haut et fort que son fils était un écrivain.
D’ailleurs son cri du cœur mixé sur la voix mielleuse, sympathique et
reconnaissante de «l’artiste chouchou de Saint- Louis», Abdou Guité
Seck, dans le scénario, fait pleurer plus d’un cinéphile.
Aujourd’hui,
avec le décès de Mame Coura Diop, c’est une nouvelle page qui se
tourne. La réalisatrice Hadja Maï Niang, encore sous le choc de cette
disparition hier, n’a pu dire grand-chose, à part exprimer sa volonté de
lui rendre hommage. La voix étreinte par les larmes, elle a confié son
désir de voir la presse culturelle honorer la mémoire de cette «grande
femme» qu’elle a porté à l’image. Hadja Maï Niang, impressionnée par la
maman de Lamine Coura qui, malgré son âge et illettrée de surcroit,
connaît la valeur des lettres, avait affirmé en marge de la première
diffusion du film, au Théâtre Daniel Sorano, «c‘est un bel exemple d’une
dame de 93 ans qui est illettrée et qui est intéressée par les
lettres». Ce professeur de techniques de communication à l’université de
Thiès, qui avait aidé la défunte à transformer son rêve en réalité, en
faisant édité en 2004 le manuscrit présenté par la vieille dame et
intitulé Le coût d’une évasion, confiait : «Mame Coura incarne
l’abnégation, le courage et l’envie de réussir dans la vie.» «Tout ceci a
été possible grâce l’ingéniosité d’une maman qui, déterminée à prouver
que son fils ne souffrait d’aucun trouble psychique, avait conservé
jalousement les manuscrits et tapuscrits de l’œuvre dans divers endroits
notamment au Bureau sénégalais du droit d’auteur», avait fait savoir en
juin dernier, la réalisatrice.
arsene@lequotidien.sn
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