TABASKI : LES FONCTIONNAIRES TIRENT LE DIABLE PAR LA QUEUE: Les tailleurs zappés et l’école en stand by !

A Saint-Louis du Sénégal, les fonctionnaires de l’Etat trouvent difficilement le sommeil à quelques jours de la tabaski et de la rentrée scolaire. Si d’aucuns comptent sur les avances de tabaski pour ajuster les dépenses, ils sont nombreux à aller à l’assaut de leur banque, les autres passent voir les usuriers. Tous ont choisi de chercher d’abord le mouton et de payer ensuite les factures. Le reste peut attendre. Reportage.

Samba NDIAYE est un fonctionnaire de taille élancée et flanqué de sa moustache poivre-sel. Sous le chaud soleil de 13 heures, marchande un mouton au foirail de Marmiyal. Il n’a que 50 mille FCFA en poche et veut un mouton « présentable » (c’est son expression à lui) à ses deux enfants et à sa femme. Les moutons pour lesquels il a marchandé toute la matinée sont hors de portée de sa bourse. Pourtant, avec son regard vif et son front intelligent, l’homme nous a confié qu’il a fait un emprunt chez sa banque pour supporter les frais de la tabaski et de la rentrée scolaire.  Les frais d’inscription scolaires dans le privé lui ont mangé son budget au point que son arbitrage ne lui a pas laissé une franche marge : « En vrai dire, je suis dans l’impasse. La seule solution qui me reste est l’avance de tabaski encore que la facture d’électricité attende d’être livrée ». Les fonctionnaires presqu’en grande  majorité les mêmes soucis en cette période de veille de tabaski, de rentrée et livraison de facture… Si Samba NDIAYE, la cinquantaine, ose encore poser le pied au foirail pour chercher mouton, il est sans doute l’un des rares agents de l’Etat à le faire. Les autres préfèrent patienter quelques jours encore et ne font le déplacement au foirail que pour jauger les prix des moutons.

 Ibrahima DIOP, enseignant à la carrure forte, reste sceptique : « A ce niveau des prix, je pense que le marché restera impénétrable pendant quelques temps encore. On entend au bas mot 70 000 FCFA. Et puis, l’approvisionnement jouant, les moutons seront intouchables au moins jusqu’à la fin du mois pour ceux qui ne comptent que sur le salaire comme moi ». Sourir aux lèvres,  il a avoué avoir pris l’option d’attendre encore et nous confié n’avoir pas encore payé les frais d’inscriptions de ses enfants à l’école : « Le ministre de l’éducation demande certes aux écoles d’accepter les élèves en attendant de permettre aux parents d’élèves de payer en moratoire. C’est bien mais qu’il aille le dire aux écoles privées. Si elles sont sensibilisées pour, ce serait bien nous qui allons y inscrire nos enfants. Je suis assis en ce moment sur un œuf parce que je ne vois pas comment je vais m’en sortir ». Ils sont nombreux comme lui qui font dans l’algèbre, la géométrie, l’histoire, la géographie et la philosophie pour trouver la formule magique qui leur permettrait de s‘en sortir mais force est de constater que le diable ne leur laisse que le bout de la queue si tant est qu’ils ne soient tentés d’aller lui vendre leur âme. 

Ils sont non négligeables ceux qui sont partis voir les commerçants usuriers. Assane THIAM, l’air résolu et déterminé, est allé chez un commerçant très connu à Saint-Louis pour y prendre un réfrigérateur neuf d’une valeur de 225 000 FCFA. Il aurait déjà trouvé un client qui accepte de le prendre pour 150 000 FCFA : « Je n’ai pas le choix. Je ne peux pas emprunter ma banque parce que j’ai atteint le plafond. Je ne suis plus solvable en quelque sorte. Je suis prêt DMC, je suis entrain de payer une autre ligne de crédit consommation et deux tontines avec des collègues ».  Avec les 150 000 FCFA escomptés sur la vente de son frigo, Assane THIAM, toujours le chapeau texan bien vissé sur la tète, veut chercher deux moutons. Il a deux femmes. Mais les foirails sont loin d’incarner la sérénité.  Dans son arbitrage, l’ouverture des classes attendra puisque ses enfants sont tous dans le public. Et puis dit-il : « Je ne vais pas acheter de nouveaux habits pour la tabaski. Ils n’ont qu’à porter ceux de la Korité. Les temps sont durs »! Concernant cette dernière option, ils presque tous à l’adopter pour rentrer dans leurs petits souliers, pardon, babouches…

                                                                         Ralph MATHIOLY (SIWEUL.COM)

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