ENTRETIEN - DR MOUSTAPHA SY DIT « MATHIEU », MEDECIN CARDIOLOGUE: «Les sportifs sont dix fois plus exposés à la mort subite que les sédentaires»

Médecin cardiologue, le docteur Moustapha Sy dit « Mathieu », est le chef de service cardiologie Hôpital Régional de Saint-Louis et par ailleurs conseiller de l’association régionale de la médecine sportive et préventive de Saint-Louis. Selon le cardiologue, la mort subite ne touche pas seulement les sportifs professionnels, mais ces derniers ont dix fois plus de risque d’en mourir que les sédentaires.

Qu’appelle-t-on exactement mort subite ?

Elle correspond à un arrêt cardiaque brutal qui survient pendant un effort physique chez un sportif ou un individu présentant une malformation cardiaque ignorée.

Existe-t-il des examens pour dépister une malformation cardiaque ?

Oui, bien sûr. Et pour cela, nous disposons d’un examen cardiologique pratiqué par un médecin du sport ou un cardiologue de préférence.

En quoi consiste cet examen cardiologique ?

Il consiste généralement en un Électrocardiogramme (ECG) fait au repos. Le simple test personnel permet de déceler 90 % des malformations cardiaques. Seul un cardiologue est habilité à interpréter correctement l’ECG, car il faut avoir un œil averti pour déceler une malformation du cœur. Chez les sportifs de haut niveau, un ECG du cœur et un ECG d’effort sont généralement pratiqués. Ces deux examens permettent de déceler pratiquement toutes les anomalies cardiaques. (NB : « une échographie du cœur et un ECG d’effort permettent de détecter la plupart des malformations cardiaques chez un sportif. ») Un exemple pour illustrer l’efficacité du dépistage par ECG, la cardiomyopathie hypertrophique (CMH), également appelée le gros cœur du sportif, est une anomalie, une malformation très sévère à l’origine de nombreuses morts subites, mais facilement repérables par un ECG. En Italie où cet examen est obligatoire, une CMH est la cause d’environ 1 % des morts subites annuelles des sportifs jeunes (âgés de moins de 35 ans).

Pourquoi cet examen n’est-il pas généralisé à tous les sportifs?

Essentiellement pour des raisons financières. La prise en charge par les clubs est extrêmement lourde à tel point qu’il est difficile même pour certains clubs professionnels à pratiquer cet examen. Aussi, la sécurité sociale ne prend pas en charge les examens médicaux qui sont donc à la charge individuelle du sportif. Il arrive dès fois que les sponsors et fédérations prennent en charge ces examens.

Les sportifs professionnels sont-ils les seules victimes de mort subite ?

Non, car la mort subite peut également survenir chez les sujets non sportifs, à une personne simple atteinte de malformation du cœur. Mais les sportifs ont 10 fois plus de risque d’en mourir que les sédentaires. Au sein même de la communauté sportive, il n’y a pas de sport qui présente plus de risque que d’autres. C’est l’intensité du sport pratiqué, donc de l’effort physique qui compte. D’autre part, si la mort subite due à une malformation touche principalement les sportifs jeunes entre 15 et 25 ans environ, celle qui survient après 45 ans a pour cause des maladies cardiaques, hypertension, diabète…

Y a-t-il des facteurs favorisant l’arrêt cardiaque chez les personnes souffrant d’une malformation?

Oui. Le principal responsable est le stress. Lorsque l’organisme subit un stress, ce qui est le cas lors d’un effort physique par exemple, il réagit en déchargeant une certaine dose d’adrénaline. La plupart des morts subites sont de nature adrénergique ; c’est-à-dire l’augmentation et la concentration en adrénaline sont à l’origine des arrêts cardiaques. D’autre part, la compétition est également une source de stress pour les sportifs qui, cumulée avec celle de l’effort physique, multiplie les risques de provoquer un arrêt cardiaque. C’est pourquoi les morts subites sont les plus fréquentes en compétition qu’à l’entrainement.

Le dopage accroit-il les risques de morts subites ?

Oui. À travers d’autres facteurs mis en causes. Les problèmes de fatigue dus à un entrainement excessif et au rythme harassant des compétitions sont également des facteurs de risque à ne pas surtout négliger. À ces problèmes naturels de santé viennent s’ajouter ceux liés au dopage avec toutes ses conséquences.

Est-il possible de prévenir ces morts subites ?

Oui. Bien sûr, par la visite médicale d’aptitude à la pratique du sport, mais aussi si le dépistage est fait à temps normal et correctement. C’est pour cela, nous devons insister sur la visite médicale complétée par certains examens du cœur. Aussi, il faut absolument sensibiliser les sportifs, le personnel médical et l’entourage aux respects des règles d’hygiène, de l’alimentation du sportif et surtout une fois, à la nécessité d’examens médicaux approfondis, notamment cardiologiques pour éviter que de jeunes sportifs décèdent prématurément.

Propos recueillis par :

CheikhSady MANE, Formateur en médecine sportive et préventive

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