Jour de soleil. Comme tous les jours.
Au programme : trouver la brèche qui troue la langue de Barbarie.
À l’hôtel, le vieux gardien m’a parlé d’un trajet de trois kilomètres. « T’as qu’à continuer jusqu’au bout de l’île. » Mais j’ai déjà fait largement plus de 3 km et je ne vois le bout de rien. Juste un horizon long.
Un homme passe, s’arrête. Ça va bien ? « Ça va bien. » Et la brèche, c’est par là ? Il regarde derrière et pointe vaguement du doigt : « C’est par là ». Et c’est loin ? « Un peu. »
Je poursuis, moitié-course, moitié-marche, sur un sentier de sable mou.
Deux jeunes à vélo s’approchent, même question, même réponse. Coudonc.
Un peu plus loin, il y a Abdallah. Qui vit sur la plage, loin du
village, entre quelques feuilles de palmier et sous un toit de paille. « La brèche ? »
— Par là, mon frère. Mais c’est encore loin, cinq kilomètres au moins. Et ça change à chaque jour.
— Qu’est-ce qui change ?
— Ben, la brèche. Elle bouge.
Coudonc, bis.
Ce que les gens de Saint-Louis appellent la brèche, c’est le résultat
d’une décision prise en panique par Dakar en octobre 2003. Un geste qui
menace aujourd’hui tant la langue de Barbarie — cette bande de terre
qui protège l’île de Saint-Louis des vagues de l’océan Atlantique — que
la ville classée au patrimoine de l’Unesco. Un problème qui prend de
l’ampleur jour après jour.
Résumé : il y avait cette année-là une crue importante du fleuve
Sénégal, qui ceinture Saint-Louis et se jette dans l’océan au bout de la
langue de Barbarie. Pour faciliter le déversement des eaux du fleuve et
éviter une inondation, les autorités ont eu l’idée de creuser une
seconde embouchure dans la langue de Barbarie, de manière à créer un
canal de délestage.
Sauf que.
Sauf que la brèche de quatre mètres creusée en une nuit est devenue
en trois jours un canal de 250 mètres. Aujourd’hui, elle fait plus d’un
kilomètre de large, voire deux.
L’océan est en train de manger la langue de Barbarie.
L’inventaire des problèmes causés par cette embouchure artificielle
et mouvante n’est pas mince : des campements touristiques fermés,
l’écosystème de la région modifié par l’arrivé d’eau salée dans
l’estuaire, des marées qui prennent de l’ampleur et atteignent des
villages qui ne sont plus protégés par la langue. Au moins deux villages
sont disparus sous les eaux.
« S’ils avaient pris la peine de demander aux gens du coin, n’importe qui aurait deviné ce qui allait se passer, dit Abdallah. Faut pas connaître la mer pour penser qu’elle se contentera d’une bouchée quand elle peut en prendre 50. »
Quand j’arrive finalement au bout du bout, y a rien de ça qui paraît à
l’oeil : simplement qu’une plage immense et déserte avec des milliers
de petits crabes et des vagues qui composent une trame sonore
hypnotisante. Dans l’embouchure, une pirogue passe, suivie par quelques
goélands.
Le Devoir.com
Sauf que…
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BRECHE - GUILLAUME BOURGAULT-COTE: " L’océan est en train de manger la langue de Barbarie "
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