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CRISE RECURRENTE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR :Quelle thérapie appropriée pour l’Université sénégalaise ?

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L’Université sénégalaise est en crise.Une crise qui prend un relief particulier à mesure que le nombre des bacheliers augmente année après année alors que,inversement, les infrastructures, les ressources humaines et financières s’amenuisent. Il suffit de passer devant l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) pour se rendre compte que la crise a envahi littéralement ce temple du savoir. Les murs, les bureaux du Coud (Centre des œuvres universitaires de Dakar)  ainsi que certaines chambres d’étudiants portent encore les stigmates des affrontements survenus il y a une dizaine de jours entre les étudiants et les forces de l’ordre. Des tas de pierres jonchent encore l’avenue Cheikh Anta Diop. Sur les murs des pavillons et la devanture du campus, des impacts de grenades sont encore nettement visibles. Ce qui témoigne de l’intensité de la violence qui avait opposé forces de l’ordre et étudiants. La vie semble avoir déserté le campus social. Les policiers à la mine patibulaire sont postés à quelques encablures de l’université comme s’ils n’attendent qu’une petite étincelle pour embraser le campus. A l’intérieur, les activités marchent au ralenti. Par souci de sécurité, beaucoup d’étudiantes et d’étudiants ont plié bagages pour rejoindre les leurs en attendant que le climat de guerre qui a envahi le campus s’apaise. Peu d’étudiants fréquentent le campus pédagogique où les forces de l’ordre en tenue de guerre sont encore visibles par endroits. C’est d’ailleurs cette présence ostensible des policiers qui a fait dire aux syndicalistes enseignants du SAES (Syndicat autonome des Enseignants du Supérieur) qu’ils ne reprendront les cours que lorsque le campus pédagogique sera expurgé de ses hôtes indésirables. 



Cette violence sus-évoquée a atteint son paroxysme avec l’arrestation de 22 étudiants jugés et libérés à l’exception de l’un d’entre eux, un certain Apollinaire Diatta, accusé d’être le cerveau du saccage des bureaux du Coud. Aujourd’hui, la tension est encore vive. Il suffit d’écouter les vociférations des étudiants qui, dans leurs rassemblements inopinés ou dans leurs déblatérations à travers les médias, menacent de revenir à la charge si les motifs de leur mouvement de grève ne sont pas pris en charge par les autorités de tutelle pour se rendre compte que le feu couve sous la cendre. A entendre le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche,le Pr Mary Teuw Niane, le recteur de l’Ucad,le Pr Saliou Ndiaye, et les professeurs du SAES se radicaliser inflexiblement sur la question du « master pour tous » réclamé par les étudiants, il n’est pas exagéré de redouter une nouvelle flambée de violence nonobstant les médiations de plusieurs associations citoyennes, politiques, religieuses et autres bonnes volontés. 

Dans cette crise qui a affecté l’Ucad et l’Ugb, il faut flétrir la responsabilité de l’Etat qui n’a pas pu gérer le paiement à temps des bourses des étudiants. Il est inconcevable qu’à quelques  semaines de la fin de l’année académique – du moins pour certains puisque, aujourd’hui,on assiste à un démarrage échelonné des enseignements dans nos Universités, particulièrement celle de Dakar–  il est inconcevable, donc, que les bourses des étudiants ne soient pas disponibles. Naturellement, faute de recevoir leurs pécules à temps, le premier réflexe de ces étudiants est de se restaurer sans bourse délier. Une telle attitude est génératrice de violence. Mais cela ne doit pas pour autant justifier cette violence mortifère devenue le jeu favori des étudiants qui semblent privilégier aujourd’hui dans leurs rapports avec la tutelle les arguments de la force au détriment de la force des arguments.

Depuis les années des ajustements structurels où les ressources allouées à l’enseignement supérieur ont été revues drastiquement à la baisse, la crise qui a envahi l’espace universitaire ne cesse d’enfler.La politique réformiste enclenchée depuis deux décennies se traduit par la critique du fonctionnement et des produits de l’université. Les étudiants coûtent trop cher au budget national; ils sont trop nombreux par rapport aux capacités d’absorption du marché du travail ; ils sont insuffisamment orientés vers les disciplines utiles pour le développement ; leurs diplômes sont de qualité médiocre et, finalement, ils consomment les ressources publiques dont l’allocation n’obéit objectivement ni à des critères d’équité ni à des  impératifs d’efficacité. Pour toutes ces raisons, il fallait engager des réformes douloureuses à partir de 1994. Et ces réformes s’inscrivaient dans un souci de rationalisation des ressources injectées dans l’Université mais, malheureusement, la formation professionnelle des étudiants,qui devait aboutir à une résorption du chômage chronique des diplômés de l’université, n’a pas été prise en compte dans la réforme des années 90. Ainsi le Projet d’amélioration de l’enseignement supérieur (Paes), financé en 1996 par la Banque mondiale à hauteur de 31 millions de dollars, est abandonné en 2000 avec l’avènement d’un nouveau régime.


Si cette réforme a permis de stopper l’inflation démographique de l’Ucad pendant presque six ans, l’université a connu le student-boom à partir des années 2000. Ce qui ne manque pas d’influer sur le comportement et les conditions d’études et d’existence des apprenants. Des brigades de violence à la solde de certains libéraux nouvellement arrivés au pouvoir font leur apparition dans l’espace universitaire et vont définir un nouveau type d’étudiant plutôt enclin à la violence physique. Des étudiants dont les méthodes n’ont rien à envier à celles des rançonneurs professionnels. Ainsi, à la moindre revendication, ils séquestrent les bus de la société Dakar Dem Dikk après avoir dévalisé la recette des receveurs. Après quoi, ils menacent alors de les brûler si les autorités ne répondent pas favorablement à leurs doléances. Ce climat de violence s’est d’ailleurs très tôt exacerbé en 2001 avec l’assassinat de l’étudiant Balla Gaye dont les auteurs ne sont que des étudiants libéraux exfiltrés et planqués par la suite en France. La promotion des muscles commence alors à prendre le dessus sur celle des idées. On abêtit les étudiants, on les décérèbre, on les animalise. On assiste alors à l’apparition de groupuscules comme les « Kekendos », formés de gros bras stipendiés par des politiciens libéraux et qui sèment la terreur impunément dans le campus social. Leur seul objectif, c’est de faire régner leur loi dans l’espace universitaire. Ils réglementent le paiement des bourses, établissent les listes de paiement,rackettent les étudiants en contraignant ceux qui perçoivent leur bourse à verser une redevance en guise de pretium doloris. Ils vendent des lits d’hébergement entre 300.000 et 500.000. Cela avec la bénédiction complice des autorités du Coud alors en place.D’autres groupes moins violents que les« Kekendo » mais toujours à la solde de politiciens libéraux ou de marabouts voient aussi le jour. Ils sont financés pour faire la propagande de leur employeur, de leur confrérie ou de leur regroupement sectaire. On se souvient de cette vanne grotesque d’un groupe d’étudiants qui avaient invité le ministre Farba Senghor pour lui décerner un diplôme « honoris causa ». 





Depuis la troisième loi d’orientation du Sénégal n° 91-22 du 16 février 1991 de l’Education nationale ayant débouché sur une Concertation nationale sur l’enseignement supérieur (Cnes) en août 1992, l’Université sénégalaise est soumise à  des réforme permanentes qui l’épuisent sans s’attaquer à la racine du mal. Malgré les concertations périodiques sur l’enseignement supérieur, les choses semblent aller de mal en pis. A la suite de l’échec du Paes, l’université sénégalaise avait besoin d’une nouvelle réforme, car il apparaissait clairement que les mesures qui avaient été adoptées pour sortir de la crise s’étaient simplement limitées à éliminer ses effets sans toucher les véritables causes. En 2000, la généralisation des œuvres sociales est décidée ainsi que celle des bourses et aides sociales. La croissance des effectifs de l’Ucad reprend à un rythme exponentiel alors que les ressources financières stagnent et l’encadrement pédagogique s’effrite. Abdou Salam Sall, qui était le recteur à l’époque, a attendu sept ans après pour clamer lâchement dans une émission à la RFM dimanche dernier… qu’il était contre une telle initiative rétrograde.


En 2011, un Plan stratégique pour redresser l’enseignement supérieur vient s’ajouter à la série des réformes entreprises. Le plan stratégique assuré par le Recteur et les chefs d’établissements (Doyens des Facultés et Directeurs d’Ecoles et d’Instituts) se heurtera à des difficultés d’application. La dernière-née des réformes est la Cnaes (Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur) dont le rapport final contient 78 mesures allant de la gouvernance à la recherche et l’innovation en passant par le financement, l'internationalisation et l’ouverture sur le marché. Cette réforme a été l’objet de vives contestations de la part des étudiants et des enseignants des universités. Selon eux, elle ne prendrait pas en compte l’aspect social et laisserait transparaître une privatisation rampante de l’université en écartant de facto les fils de démunis qui composent l’essentiel de la communauté estudiantine.

Ainsi pour parachever cette série de réformes, un protocole a été signé entre autorités ministérielles, universitaires etétudiants des cinq universités du Sénégal (Dakar, Saint-Louis, Thiès, Bambey, Ziguinchor). Et en dépit des points d’achoppement portant sur la non-attribution de la bourse aux étudiants âgés de 30 ans et plus et du « master pour tous », toutes les universités ont signé ledit protocole. Ce sont les exigences du système LMD. Un système copié sur l’Occident et qui n’est pas en adéquation avec nos réalités académiques et économiques. On est là encore dans un processus de réduction du flux d’étudiants entrant à l’université. Si le bac n’est plus un passeport pour accéder à l’université, la licence ne permet pas non plus de passer automatiquement à un palier supérieur. Par conséquent, tous les étudiants qui ne satisfont pas aux critères de passage au master seront obligés de quitter l’université à leur corps défendant avec un goût d’inachevé dans leur cursus. Et c’est là que le bât blesse parce que le système LMD devait promouvoir des licences professionnalisantes afin que l’étudiant, sans possibilité d’accéder au master,puisse faire valoir ses compétences sur le marché du travail. Ainsi, face à l’angoisse de se retrouver hors de l’université sans possibilité de travail et au désir d’accéder au master qui ouvre des perspectives plus prometteuses, les étudiants violent les accords qu’ils ont eux-mêmes signés. Ce tout en étant conscients de toutes les conséquences dommageables subséquentes. Donc si, aujourd’hui, certains étudiants de l’Ucad qui ne remplissent pas les critères académiques du LMD pour accéder au master veulent remettre en cause le protocole, cela ne manquera pas de générer une confrontation violente avec la tutelle. Et indépendamment de la bourse dont le paiement a été retardé, pour on ne sait encore quelle raison, le mobile principal de cette violence destructrice de l’Ucad est le « master pour tous » que rejettent le ministre, les autorités universitaires et les quatre autres universités.






Article paru dans « Le Témoin » N° 1167 –Hebdomadaire Sénégalais ( JUIN 2014
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