L’Île de Saint-Louis, porte océane de l’Afrique occidentale, constitue un paysage unique. En effet, cette minuscule bande de terre, aujourd’hui insérée entre les deux bras de l’embouchure du fleuve Sénégal, jouit d’un environnement exceptionnel, mariage subtil entre un paysage terrien et fluvial.
Premier comptoir français sur la côte atlantique de l’Afrique en 1659, l’Île de Saint-Louis fut une plaque tournante pour les négociants européens remontant le fleuve à longueur d’année à la recherche d’esclaves, mais aussi de gomme arabique, d’or, de peaux et autres produits. La petite cité océane sera la capitale politique de la colonie et de l’Afrique occidentale française (AOF) jusqu’en 1902, et capitale du Sénégal et de la Mauritanie jusqu’en 1957, avant de tomber en déclin du fait du transfert de la capitale à Dakar.
La Ville historique de Saint-Louis exerça une influence prépondérante sur les régions d’Afrique sous domination française, et même plus loin, en termes d’architecture mais aussi en ce qui concerne l’éducation, la culture, l’artisanat et les services. Elle fut, à ce titre, le premier laboratoire de cette nouvelle société différentielle faite de métissages et d’hybridations et qui sera un creuset d’élaboration et de diffusion d’une synthèse culturelle et d’un éveil à la citoyenneté pour toute l’AOF, contribuant ainsi à la naissance d’un nouvel humanisme.
Le bien désigné couvre l’ensemble de la superficie de l’île de Saint-Louis, berges et quais compris, ainsi que le pont Faidherbe. L’île s’articule en trois parties : le quartier Nord, le quartier Sud et la place Faidherbe avec le Palais de la Gouvernance au centre. L’île est enfermée dans un système de quais qui servent de référence à toutes les rues sur l’axe est-ouest. Par son style militaire de type fortin, l’hôtel du gouvernement (construit sur l’ancien fort de la cité) constitue le centre orthogonal d’un plan urbain parfaitement régulier. Les magnifiques « maisons à balcon », les « maisons à galerie » des belles Signares ainsi que les rares « maisons basses portugaises » confèrent à la vieille ville sa qualité esthétique et son identité. Le majestueux Pont Faidherbe, dont les travées ont été importées de France en pièces détachées en 1897, n’a nullement modifié la trame urbaine. Grâce à son plan régulier, son système de quais et son architecture de grande qualité, l’Île de Saint-Louis constitue un exemple remarquable de ville coloniale dont l’unité stylistique et l’homogénéité urbaine repose sur des typologies et des principes de planification urbaine hérités de l’administration coloniale.
Critère (ii) : La ville historique de Saint-Louis témoigne d'un important échange de valeurs et a influencé le développement de l'éducation, de la culture, de l'architecture, de l'artisanat et des services dans une grande partie de l'Afrique occidentale.
Critère (iv) : L'Île de Saint-Louis, ancienne capitale de l'Afrique occidentale, est un remarquable exemple de ville coloniale, caractérisé par un cadre naturel particulier, et illustre le développement du gouvernement colonial dans la région.
Intégrité (2010)
Le fait que le bien désigné englobe l’île entière, y compris les plages, les quais et le pont Faidherbe, en assure l’intégrité conceptuelle. L’extension de la zone tampon de 2007 est venue apporter une protection additionnelle au bien insulaire. Une application rigoureuse du plan directeur du développement de la ville devrait permettre, à terme, de contrôler les effets négatifs de la pression urbaine qui se fait sentir dans la zone située au-delà de la zone tampon En outre, les menaces à l’intégrité du bien causées par l’aménagement des barrages en amont du Fleuve, combiné aux inondations des dernières années, ont été contrées grâce à la percée du canal de délestage. Cet ensemble de mesures appuyées par des initiatives hardies in situ ont permis de préserver l’intégrité de l’île historique de Saint-Louis.
Authenticité (2010)
Le visage actuel de Saint-Louis porte la marque de la vision du Gouverneur Faidherbe qui, plus que quiconque, lui imprima sa trame urbaine orthogonale qu’aucun aménagement urbain ultérieur n’est venu remettre en cause - pas même l’édification du majestueux pont Faidherbe inauguré le 19 octobre 1897 par André Lebon et devenu emblème de la ville. Cette continuité remarquable a permis à l’île de Saint-Louis de préserver son authenticité en étroite corrélation avec un bâti urbain qui, s’il a subi des mutations parfois importantes, est entré dans une phase de stabilisation depuis la promulgation du décret portant sur la mise en œuvre du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur de Saint-Louis, en 2008. Les importants chantiers écoles qui ont formé plus de 200 artisans dans les différents métiers de la restauration sont venus renforcer cette dynamique en revalorisant le savoir faire traditionnel, l’utilisation des matériaux originels et la diffusion des bonnes pratiques.
Eléments requis en matière de protection et de gestion (2010)
Saint- Louis a toujours bénéficié de mesures de sauvegarde particulières qui ont contribué à une bonne gestion du site. En effet, dès 1928, la ville fut dotée d’un plan directeur d’urbanisme. Plusieurs autres plans ont suivi jusqu’à la réalisation, en 2006, du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur de Saint-Louis grâce à l’appui de l’UNESCO. Plusieurs textes de loi sont venus renforcer ce dispositif, en particulier : la loi 71-12 du 25 janvier 1971 pour la protection des sites et des monuments historiques et son décret 73.746 de 1973 portant application de la Loi 71-12 du 25 janvier 1971 ; l’arrêté n° 012 771 du 17 novembre 1975 portant publication des sites et Monuments historiques classés et le décret n° 2008-694 du 30 juin 2008, portant application du Plan de sauvegarde et de mise en valeur de Saint-Louis.
Il faut aussi souligner l’existence d’un système de gestion fonctionnel qui repose sur les actions concertées des diverses parties prenantes. L’ARCAS (Association pour la restauration et la conservation de l'architecture saint-louisienne), le Syndicat d’initiative du tourisme, la section ICOMOS de St-Louis et les associations de quartiers sont tous engagés dans des activités de sensibilisation, d’alerte et de pression pour appuyer l’action de l’État et de la Mairie. À leur actif, on peut noter, entre autres, la réalisation d’une signalétique adaptée, la production de plaquettes d’information sur les bonnes et les mauvaises pratiques, l’organisation d’activités culturelles (théâtre, carnaval, etc.). Cette extraordinaire mobilisation des associations qui se battent au quotidien pour la sauvegarde de Saint-Louis sera bientôt encadrée par le Comité de Sauvegarde de Saint-Louis qui sera animé par le gestionnaire déjà désigné.
Description historique
L'île de Saint-Louis n'est peuplée qu'à l'arrivée des Européens. La région appartient alors au royaume du Walo ; elle est explorée par les Portugais, les Vénitiens et les Hollandais à partir du XVe siècle. Plusieurs initiatives, notamment au XVIIe siècle, entraînent l'établissement de peuplements dans la région. En 1633, les Français décident d'établir la première compagnie à Charte au Sénégal, la compagnie du Cap-Vert. En 1659, après quelques tentatives sans lendemain, Louis Caullier choisit pour implanter la compagnie une île située à l'embouchure du Sénégal. Plusieurs autres compagnies suivent la compagnie du Cap- Vert, et les Anglais occupent Saint-Louis à trois reprises, en 1693, 1779 et de 1809 à 1817.L'île, initialement insalubre et inhospitalière, manque également de matériaux de construction, mais l'on découvre que les énormes amas d'huîtres peuvent servir à la production de chaux et à la construction de routes. Peu à peu, le peuplement de Saint-Louis développe ses activités commerciales : caoutchouc, cuir, or, ivoire, céréales, mais aussi traite des esclaves. À tout ceci s'ajoute la nécessité d'enseignement et de construction d'écoles.
Au début du XIXe siècle, le peuplement compte quelques 8 000 habitants. En 1828, un plan d'urbanisme instaure le tracé des rues et régule le développement de la ville ; il se sert, comme référence de base, des anciennes fortifications. Cependant, ce n'est qu'à partir de 1854 que la ville connaît un véritable essor, au moment de la nomination de Louis Faidherbe au poste de gouverneur. Ainsi, de 1854 à 1865, Saint-Louis s'urbanise. Elle devient capitale du Sénégal en 1872, et parvient à son apogée en 1895, en devenant la capitale de l'Afrique occidentale française.
À cette époque, Saint-Louis devient le premier centre urbain de l'Afrique subsaharienne, ainsi que le centre de diffusion d'activités culturelles et artistiques. Le premier musée de l'industrie, de l'ethnographie et de l'histoire d'Afrique occidentale y ouvre le 15 mars 1864. C'est aussi à cette époque qu'ouvrent des écoles et autres institutions et services publics, ainsi que le premier bataillon des tirailleurs sénégalais et un tribunal musulman.
La période de paix dans la colonie contribue au développement des activités économiques et commerciales, favorisant l'expansion et l'accroissement de l'influence de la ville. Pourtant, en 1902, Saint-Louis perd son statut de capitale d'Afrique occidentale française, et en 1957 celui de capitale du Sénégal. S'ensuivent alors le départ de la garnison française, des militaires et de leurs familles, et la fermeture de plusieurs bureaux et magasins ; en 1963, c'est au tour de la douane de fermer. Les effectifs de la population française chutent en flèche. Parallèlement, cependant, la population globale continue d'augmenter : de 55 600 en 1960, elle passe à 90 000 en 1976 et à 150 000 en 1997. La ville se développe à la fois sur la Langue de Barbarie (la crête face à l'Océan) et à Sor, sur le continent. La vieille ville est surpeuplée, et certaines des structures anciennes manquent de s'effondrer. Un nouveau plan d'urbanisme est élaboré en 1983 pour contrôler la situation et assurer la protection des zones historiques. Actuellement, la ville connaît un regain économique (fondé sur la pêche et l'agriculture) et touristique (festivals internationaux, expositions, sports, etc.). L'université Gaston Berger ouvre ses portes en 1992. Un nouvel aéroport a récemment été inauguré à Saint-Louis pour faciliter l'accès à l'île. La croissance de la ville crée pour les autorités les difficultés que connaît toute grande ville africaine, avec entre autres des problèmes d'occupation illégale des sols et d'environnement.
Source : évaluation des Organisations consultatives