Biennale Off à Saint-Louis: Panorama pictural d’une ville tout en couleurs

La 3ème édition du festival « Le fleuve en couleurs » donne à voir un panorama pictural dans la ville de Saint-Louis où exposent 150 artistes plasticiens sur 36 sites.

Que ce soit à la galerie Arte, au Crds (qui abrite l’exposition des 145 œuvres du défunt Iba Ndiaye), au Comptoir du fleuve, etc., la 3ème édition du festival « Le fleuve en couleurs » permet de découvrir une chorégraphie picturale.

L’exposition « Grain de folie » au Comptoir du fleuve réunit les œuvres de quatre artistes et d’un écrivain. Chaque œuvre présentée est étrange, troublante. Pour reprendre les termes du maître des lieux, Amadou Diaw, il s’agit d’un vent de folie qui semble avoir soufflé sur les lieux… et contaminé tous ses habitants. Les graines de folie sont ainsi éparpillées, disséminées, semées. Des silhouettes vaguement humaines se tordent, fondent, fusionnent ; les animaux se redressent, marchent, font des acrobaties ou du rodéo. Les nuages et fumées abstraites des tableaux de Moussa Seck semblent représenter un fléau qui s’abat sur nous. Leur forme, leur trajectoire, leur teinte : rien n’y est naturel. Ils rôdent autour de l’artiste, ils le hantent, ils nous guettent.

Et c’est dans la ligne elle-même, dans le tracé, que le « grain de folie » trahit le plus sa présence. Ce « grain » qui pousse les animaux et créatures hybrides de Soly Cissé à se dresser sur leurs pattes avant, on le voit aussi dans leurs yeux écarquillés, et il vient contrebalancer des sujets extrêmement sérieux par une dose de légèreté et de fantaisie.

Le grain de folie, selon Amadou Diaw, représente la capacité de sortir des sentiers battus, de faire abstraction de la norme. Essentiel à l’innovation, il est également associé à la création. De la « Nef des fous » de Jérôme Bosch à l’œuvre de Francis Bacon en passant par Théodore Géricault et Egon Schiele, la folie hante l’artiste, comme son autre. Si loin, si proche.

Les œuvres de l’exposition « Graine de folie » touchent à la position de l’Homme face à lui-même dans une logique d’indépendance et d’individualisme. Dans le travail de Peterson Kamwathi, par exemple, les autres sont vus comme un obstacle à la liberté et l’espérance de l’être. Mamady Seydi lui répond en rappelant que l’homme apprend avant tout par le partage : la tradition de contes oraux et de dictons, les rythmes musicaux. L’art se fait ainsi promesse d’élever l’individu, et ce malgré la dimension grégaire de l’être humain, dépeinte à travers ses troupeaux en déroute.

Expressivité
L’homme au journal, l’homme libre, héros de l’animation de Peterson est un lecteur de l’indicible. La force du trait noir trace l’expressivité de l’homme moderne. La masse au sens d’entité non-pensante et indissociable s’oppose à l’individualité. Cette foule sonore en transition d’un point à un autre semble attendre ou rechercher quelque chose (une rencontre peut-être) dans un monde impersonnel.

Cheikhou Bâ, quant à lui, impose la suspension d’un être par un autre comme par un mystérieux lien de parenté, ou lien affectif. Ses danses pétrifiées donnent à voir des hommes arborescents transgressant les lois gravitationnelles. Ce rejet des lois naturelles est leur moyen de s’extraire du réel. Ici, le grain de folie, c’est la clef des champs. Une porte ouverte sur un ailleurs. Ce monde, nous le connaissons, c’est aussi celui du rêve et de l’imagination. Pour Babacar Mbaye Diop, Secrétaire général de la Biennale de Dakar, ce qui est intéressant est que Saint-Louis est en train de reprendre sa place d’antan dans l’art contemporain. Le « Off » de Saint-Louis est devenu un moment incontournable dans le Dak’Art. « Cette variété d’artistes qui sont aujourd’hui à Saint-Louis et les nombreux lieux d’exposition prouvent que Saint-Louis veut reprendre sa place dans l’art contemporain sénégalais », a commenté B. Mbaye Diop.  Il s’est surtout réjoui de l’exposition des œuvres d’Iba Ndiaye qui est un natif de la ville de Saint-Louis. « C’est lui le père de l’art contemporain sénégalais qui, dans les années 1960, était revenu de la France pour enseigner à l’École des beaux-arts à Dakar. Il décida alors de retourner définitivement vivre en France ». Aujourd’hui, il y a plus de 140 œuvres que sa famille a données à l’Etat sénégalais.

Mbagnick Kharachi DIAGNE

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